On meurt de rire on meurt de faim
On meurt pour blessure à la guerre
On meurt au théâtre à la fin
D’un drame où le ciel est par terre.
Pour vivre on est beaucoup plus sage.
Il s’agit de savoir moisir
Entre l’espoir et le fromage.
On meurt pour blessure à la guerre
On meurt au théâtre à la fin
D’un drame où le ciel est par terre.
Pour vivre on est beaucoup plus sage.
Il s’agit de savoir moisir
Entre l’espoir et le fromage.
Il est cent façons de mourir
[…]
Ce qu'il n'y a pas au-delà
De cette terre menacée
De ce désert en pleine mer
C'est une gaieté particulière
Une bonne humeur
Sans rien d'exubérant
Une gaieté tranquille
Une façon d'être sur la terre
Comme si elle n'existait pas
Et certes on pourrait en douter
Quand le soir tombe au cœur de l'île
Et que la mer ronge son os
Sur les grèves, zones pierreuses
Marché aux puces océanique
Que lèche avec voracité
La langue tranchante des phares
Qui patrouillent l'obscurité.
[…]
Marines, pp. 79-80
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu’il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuir
Georges Perros, Une vie ordinaire,
Vivre est assez bouleversant
quoique médisent nos sceptiques
De quoi demain sera-t-il fait
ô plus on va plus on le sait
car enfin le jeu perd sa mise
et les dés meurent dans nos mains
Porte de plus en plus étroite
qu’il est maigre notre destin
pour y trouver de quoi le fuir
Georges Perros, Une vie ordinaire,
Ces envies
de vivre qui me prennent
Et cette
panique, cette supplication
Cette peur
de mourir
Alors que je
n'ai pas encore vécu
Et que dans
ces moments
J'ai ma vie
sur la langue
Il me semble
que ça va être possible, enfin
Que je vais
y aller d'une grande respiration
Que je vais
avaler le soleil et la lune
Et la terre
et le ciel et la mer
Et tous les
hommes mes amis
Et toutes
les femmes mes rêves
D'un seul
grand coup
De poitrine éclatée
Quitte à en
mourir, oui,
Mais pour de
bon
Pas de cette
mort ridicule
Déshonorante,
inutile,
Qui accuse
la parodie
Qui accuse
le défaut
De ce qu'on
appelle la vie
Sans trop
savoir de quoi nous parlons.
On se
renseigne auprès des autres
On leur pose
des tas de questions
Avec cette
hypocrisie de bonne société
On marque
des points en silence
Ils
souffrent autant que nous, tant mieux
On se dit même
Qu'on est un
peu plus vivants qu'eux
Ô l'horreur
et la
fragilité
De nos
amours.
Georges Perros, Poèmes bleus, "Le Chemin",
Gallimard, 1962, p. 131-132.